Les références au Cœur de Jésus existent déjà dans les débuts de l’ordre franciscain au XIIIe siècle, comme l’attestent les « Sermones in Psalmos ». Selon le Père Auguste Hamon, « pour le fond comme pour la forme, ce traité ressemble aux discours de Saint Antoine de Padoue ».
Ainsi, dans le « Prologue des Sermons dominicaux… », saint Antoine remarque à propos des prédications que « de nos jours, les lecteurs et les auditeurs sont si blasés que s’ils n’entendent pas un langage travaillé, recherché, avec une saveur de nouveauté, ils le dédaignent. Nous n’avons pas voulu que la parole de Dieu fût exposée à souffrir du mépris et de la satiété au détriment des âmes, et nous avons mêlé à notre œuvre des remarques sur la nature du monde physique et animal, des considérations morales sur l’étymologie des mots ».
Ci-après, un bref extrait d’un sermon où il est question du Cœur de Jésus dans lequel on peut en plus apprécier l’innocence et la candeur qu’exhalent les écrits franciscains.
« Etablissez votre demeure dans le trou de la pierre », dit le prophète. La pierre, c’est Jésus-Christ. Etablissez-vous en Lui ; qu’Il soit le terme de vos pensées, l’objet de vos affections. Dans le désert, Jacob se reposa sur la pierre et s’endormit. Pendant son sommeil, il vit le ciel ouvert, conversa avec les Anges et fut bénit par le Seigneur. Ainsi en sera-t-il de toute âme qui établit son unique repos en Jésus-Christ : elle verra les clartés du ciel, sera en société avec les Anges et jouira de la bénédiction céleste…
« Si Jésus-Christ est la pierre, le creux de la pierre où l’âme pieuse doit se réfugier, c’est la plaie de son Côté sacré. N’est-ce pas dans cet asile choisi que le divin Epoux convie cette âme, quand il dit dans le Cantique : « Lève-toi, ma colombe, mon amie, mon épouse ; hâte-toi de venir dans les ouvertures du roc, dans le creux de la pierre » ? (Cant. II, 13)
« Le céleste Epoux parle des trous multiples du rocher ; mais il mentionne aussi la grotte profonde de la pierre. S’il y a dans la chair du Christ de nombreuses plaies, il y a cependant dans son côté une blessure plus profonde qui mène à son Cœur ; c’est là qu’il appelle l’âme, son épouse. Il lui tend ses bras, lui ouvre son Côté et son Cœur, pour qu’elle vienne s’y refugier. En se retirant dans les profondeurs de la pierre, la colombe se met à couvert des poursuites de l’oiseau de proie, en même temps qu’elle s’y ménage une demeure tranquille où elle prend son repos. L’âme religieuse trouvera dans le Cœur de Jésus, avec un asile assuré contre les machinations de Satan, une retraite délicieuse… Ne restons pas devant la grotte, mais pénétrons-y profondément. A l’entrée de la grotte, aux lèvres de la plaie béante, nous trouvons, il est vrai, le sang qui nous a rachetés et qui demande miséricorde pour nous ; mais notre âme ne doit cependant pas s’arrêter là. Après qu’elle a entendu la voix du sang divin, qu’elle aille jusqu’à la source même d’où il découle, qu’elle entre au plus intime du Cœur de Jésus. Là, elle trouvera la lumière, la consolation, la paix et des délices ineffables.
« La colombe bâtit son nid avec des pailles qu’elle recueille de çà et de là. Et nous, avec quoi construirons-nous notre demeure dans le Cœur de Jésus ? En nous offrant miséricordieusement une demeure où nous pourrons nous fixer, le divin Sauveur nous présente aussi les matériaux pour la construire. O âme religieuse, colombe bien-aimée du Christ, vois ces brins de paille que le monde foule aux pieds. Ce sont les actes de vertu dont ton Sauveur et ton Epoux te donne l’exemple : humilité, mansuétude, pauvreté, patience, mortification. Le monde les méprise comme des pailles inutiles ; c’est cependant par la pratique de ces vertus que tu t’établiras à jamais dans le creux profond de la pierre, dans le Cœur de Jésus ».
Source : Sermo XCVIII in psalm. 54 – Cf. Le S. Coeur ; « Etudes franciscaines », XIIIe siècle, t. III, St Antoine de Padoue ; in « Exercices Spirituels en l’honneur du Sacré Cœur pour chaque semaine de l’année » par Ch. G. Kanters.