Pendant la guerre de 1870 les vœux de constructions d’églises dédiées au Sacré-Cœur connaissent un développement parallèle aux consécrations de diocèses. Ces vœux sont souscrits par les villes au cas où elles seraient préservées de l’invasion allemande : ainsi à Langres, à Nevers, à Chalon-sur-Saône, à Lille (église du Sacré-Cœur), à Nantes (reconstruction de l’église Saint Donatien et Saint Rogatien), à Angers (église de la Madeleine).
A ces voeux de préservation s’ajoute l’idée de réparation. Le 6 octobre 1870, Mgr Pie, évêque de Poitiers, explique en chaire : « Le crime qui nous attire de si cruels châtiments c’est le crime publique, le crime social, le crime national. Élevons nos cœurs vers le Cœur de Jésus pour lui faire une consécration personnelle, domestique, nationale ». Un mois plus tard, le P. de Boylesve publie un opuscule intitulé « Le triomphe de la France par le Sacré-Cœur de Jésus » dans lequel il explicite cette pensée. Chaque Français doit se consacrer au Cœur de Jésus pour transformer son cœur, porter l’image de ce Cœur sur la poitrine et dire : « Je consacre à votre divin Cœur ma personne, ma famille et autant qu’il dépend de moi, la France, fille aînée de ce Cœur sacré, et l’Église universelle, notre Mère ». Ce feuillet qui rappelle les révélations de Paray est tiré à 300 000 exemplaires.
Le 8 décembre 1870, deux Parisiens exilés à Poitiers, Alexandre Legentil et son beau-frère Hubert Rohault de Fleury, lisent la brochure et, à l’exemple des Lyonnais qui veulent reconstruire Fourvière si la ville de Lyon est épargnée, font le vœu de faire ériger une église dédiée au Sacré-Cœur à Paris. Mis en contact avec le P. Ramière, directeur du « Messager du Sacré-Cœur de Jésus », M. Legentil lance dans cette revue, en janvier 1871, l’idée qui deviendra le Vœu national. Le P. Ramière y ajoute le vœu de délivrer le Vicaire du Christ. Ainsi pour désarmer la colère divine par un grand acte d’expiation et de pénitence il s’agit d’ériger à Paris une église monumentale dédiée au Sacré-Cœur, élevée dans la ville coupable et châtiée, comme une amende honorable sur le théâtre d’un crime, attestant les malheurs et le repentir.
Le 18 janvier 1872, Mgr Guibert, archevêque de Paris, approuve le projet. Le 5 mars 1873, il adresse une lettre au ministre des Cultes demandant « qu’un Temple, élevé pour rappeler la protection divine sur la France et particulièrement sur la Capitale, soit placé dans un lieu qui domine Paris et puisse être vu de tous les points de la cité » Le choix de Montmartre – Montagne des Martyrs – s’explique parce que « c’est là que saint Denis et ses compagnons ont répandu, par leur sang, les premières semences de la foi chrétienne, qui ont fructifié si rapidement dans la Gaule septentrionale ».
Le 25 juillet 1873 le projet de loi rendant à déclarer d’utilité publique la construction d’une église sur la colline de Montmartre est adopté par 382 voix contre 138 à l’Assemblée. Le 31 juillet, Pie IX reconnaît qu’à travers ces vœux la France implore la miséricorde de Dieu et il lui confirme son ancien honneur de Fille aînée de l’Église. En approuvant le Vœu national le pape officialise le culte du Sacré-Cœur en France, et associe ses malheurs à ceux de la France.
Source : « Le Sacré Cœur et la Grande Guerre », Alain Denizot