Extraits du « Directoire sur la piété populaire » de la Congrégation pour le culte divin, Vatican, décembre 2001)
166. Le vendredi qui suit le deuxième dimanche après la Pentecôte, l’Église célèbre la solennité du Sacré-Cœur de Jésus. De nombreuses expressions de piété, qui s’ajoutent à la célébration liturgique, s’adressent au Cœur du Christ. Il ne fait aucun doute, en effet, que, parmi les expressions de la piété ecclésiale, la dévotion au Cœur du Sauveur a été et demeure l’une des plus répandues et des plus estimées.
L’expression « Cœur de Jésus », entendue dans le sens contenu dans la divine Écriture, désigne le mystère même du Christ, c’est-à-dire la totalité de son être, ou le centre intime et essentiel de sa personne : Fils de Dieu, sagesse incréée ; Amour infini, principe du salut et de sanctification pour toute l’humanité. Le « Cœur du Christ » s’identifie au Christ lui-même, Verbe incarné et rédempteur; dans l’Esprit Saint, le Cœur de Jésus est orienté, par nature, avec un amour infini à la fois divin et humain, vers le Père et vers les hommes, ses frères.
167. La dévotion au Cœur du Christ a des fondements solides dans la Sainte Écriture, ainsi que les Pontifes Romains l’ont souvent rappelé.
Jésus, qui ne fait qu’un avec le Père (cf. Jn 10, 30), invite ses disciples à vivre en communion intime avec lui, à accueillir sa personne et ses paroles comme des références normatives qui doivent inspirer leurs propres comportements, et il se révèle comme un maître “doux et humble de cœur” (Mt 11, 29). Il est possible d’affirmer que, en un certain sens, la dévotion au Cœur du Christ est l’expression cultuelle de ce regard que, selon la parole prophétique et évangélique, toutes les générations chrétiennes portent vers Celui qui a été transpercé (cf. Jn 19, 37; Za 12, 10), c’est-à-dire vers le Cœur du Christ, transpercé par la lance, d’où jaillirent le sang et l’eau (cf. Jn 19, 34), qui sont les signes de « l’admirable Sacrement de toute l’Église ». (…)
168. Ces textes et d’autres encore, qui présentent le Christ comme l’Agneau pascal, certes immolé, mais aussi victorieux (cf. Ap 5, 6), ont fait l’objet d’une méditation assidue de la part des Saints Pères, qui en dévoilèrent les richesses doctrinales, et qui, dès lors, invitèrent les fidèles à approfondir le mystère du Christ en entrant par la porte ouverte de son Cœur. Ainsi, saint Augustin déclare : « l’entrée est accessible grâce au Christ qui en est la porte. Celle-ci s’est ouverte pour toi aussi, quand son Cœur fut ouvert par la lance. Souviens-toi de ce qui en jaillit, et choisis donc par où tu peux entrer. Du côté du Seigneur qui mourait sur la croix, le sang et l’eau jaillirent, au moment où son Cœur fut ouvert par la lance. L’eau te procure la purification et le sang la rédemption ».
169. Le Moyen Âge a été une époque particulièrement féconde pour le développement de la dévotion envers le Sacré-Cœur du Sauveur. Des hommes célèbres pour leur sainteté et leur doctrine, comme saint Bernard († 1153) et saint Bonaventure († 1274), et des mystiques comme sainte Lutgarde († 1246), sainte Mathilde de Magdebourg († 1282), les saintes religieuses Mathilde († 1299) et Gertrude († 1302) du monastère de Helfte, Ludolphe de Saxe († 1378), sainte Catherine de Sienne († 1380) approfondirent le mystère du Cœur du Christ, en qui ils virent un « refuge », auprès duquel il est possible de refaire ses forces, le foyer de la miséricorde, le lieu de la rencontre avec Jésus, le Sauveur, la source de l’amour infini du Seigneur, la fontaine d’où surgit l’eau vive du Saint-Esprit, la vraie terre promise et le véritable paradis.
170. À l’époque moderne, le culte rendu au Cœur du Sauveur connut de nouveaux développements. En un temps marqué par le jansénisme, qui insistait sur les rigueurs de la justice divine, la dévotion au Cœur du Christ constitua une antidote efficace, qui contribua à susciter chez les fidèles l’amour du Seigneur et la confiance dans son infinie miséricorde, dont le Cœur est à la fois le gage et le symbole. Parmi les nombreux saints et saintes qui ont été des apôtres insignes de la dévotion du Sacré-Cœur, il convient de citer: saint François de Sales († 1622), qui adopta comme norme de vie et d’apostolat l’attitude fondamentale, qui est celle du Cœur du Christ, caractérisée par l’humilité, la mansuétude (cf. Mt 11, 29), l’amour tendre et miséricordieux; sainte Marguerite-Marie Alacoque († 1690), à qui le Seigneur dévoila à plusieurs reprises les richesses de son Cœur; saint Jean Eudes († 1680), qui promut le culte liturgique du Sacré-Cœur; saint Claude la Colombière († 1682) et saint Jean Bosco († 1888).
171. Les formes de dévotions au Cœur du Sauveur sont très nombreuses; certaines ont été explicitement approuvées et fréquemment recommandées par le Siège Apostolique. Parmi ces dernières, on peut citer :
– la consécration personnelle, qui, selon Pie XI, « parmi toutes les pratiques se référant au culte du Sacré-Cœur, est sans conteste la principale d’entre elles » ;
– la consécration de la famille, qui permet au foyer familial, tout en étant déjà associé au mystère d’unité et d’amour entre le Christ et l’Église en vertu du sacrement de mariage, de s’offrir sans partage au Seigneur afin qu’il puisse régner dans le cœur de chacun de ses membres;
– les Litanies du Cœur de Jésus, approuvées en 1891 pour toute l’Église, dont l’inspiration est éminemment biblique, et qui ont été enrichies par l’octroi d’indulgences.
– l’acte de réparation est une prière formulée par le fidèle, qui, en se souvenant de la bonté infinie du Christ, désire implorer sa miséricorde et réparer les nombreuses et diverses offenses qui blessent son Cœur rempli de douceur.
– La pratique des neuf premiers vendredis du mois, qui a pour origine la « grande promesse » faite par Jésus à sainte Marguerite-Marie Alacoque. À une époque où la communion sacramentelle des fidèles était très rare, la pratique des neuf premiers vendredis du mois contribua d’une manière significative à la reprise de la pratique plus fréquente des sacrements de la Pénitence et de l’Eucharistie. (…) »
Le « Directoire » rappelle ensuite qu’il convient de ne pas pratiquer cette dévotion par superstition ou avec une vaine crédulité, car, dans l’ordre du salut, une telle attitude a pour effet de supprimer les exigences incontournables, qui dérivent d’une foi vivante, et de détourner l’attention du fidèle de l’obligation de mener une vie conforme à l’Évangile. Il réaffirme aussi la place absolument prédominante du dimanche, le « jour de fête primordial », qui doit être marqué par l’assistance des fidèles à la messe.
Le Cœur Immaculé de Marie
174. Le lendemain de la solennité du Sacré- Cœur, l’Église célèbre la mémoire du Cœur Immaculé de Marie. La proximité de ces deux célébrations est déjà en elle-même, au niveau liturgique, un signe de leur connexion étroite: le mysterium du Cœur du Sauveur s’imprime et se reflète dans le Cœur de sa Mère, qui est donc associée à ce mystère tout en demeurant dans sa condition de disciple. De même que la solennité du Sacré-Cœur célèbre l’ensemble des mystères du salut accomplis par le Christ, en les synthétisant et en les ramenant à leur source – qui, de fait, est le Cœur –, ainsi la mémoire du Cœur Immaculé de Marie est la célébration complète de l’union du Cœur de la Mère à l’œuvre de salut de son Fils: depuis l’incarnation jusqu’à la mort et à la résurrection, et au don de l’Esprit Saint.
La dévotion au Cœur Immaculé de Marie s’est beaucoup répandue à la suite des apparitions de la Vierge Marie à Fatima, en 1917. À l’occasion de leur 25ème anniversaire, en 1942, Pie XII consacra l’Église et l’humanité au Cœur Immaculé de Marie, et, en 1944, la fête du Cœur Immaculé de Marie fut étendue à toute l’Église.
Les expressions de la piété populaire envers le Cœur Immaculé de Marie se calquent sur celles qui s’adressent au Sacré-Cœur du Christ, tout en maintenant la distance infranchissable entre le Fils, vrai Dieu, et la Mère, dans sa condition de créature: il convient de citer, en particulier, la consécration personnelle des fidèles, de même que celle des familles, des communautés religieuses et des nations; la réparation, accomplie au moyen de la prière, la mortification et les œuvres de miséricorde ; la pratique des Cinq premiers samedis du mois ».
Le directoire sur la piété populaire rappelle encore que les observations faites à propos des Neuf premiers vendredis s’appliquent à la communion sacramentelle des Cinq premiers samedis consécutifs.