Quand Dieu créa le cœur de l’homme, dit Bossuet, il y mit d’abord la bonté. C’est en effet la disposition première et fondamentale que nous trouvons dans notre cœur. Les autres sentiments ou passions qui l’agitent sont propres à des situations particulières et éclosent dans des situations spéciales.
La bonté est la disposition qui nous porte à voir d’un œil favorable tous les hommes en général, à désirer et à faire à notre prochain tout le bien qu’il nous est possible. C’est la tendance à se donner, se dépenser, se sacrifier s’il le faut pour le bonheur d’autrui. Elle est donc la forme la plus simple de l’amour puisque l’amour est le don de soi. C’est un des plus beaux dons que Dieu nous ait faits ; il aide merveilleusement à l’exercice de la charité, cet amour surnaturel qui nous fait aimer notre prochain pour l’amour de Dieu.
Créé sur le modèle identique du nôtre mais doué de la perfection la plus grande, le cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ fut donc tout imprégné de bonté. Cette bonté l’inclina sur nos misères physiques comme sur nos misères morales ; elle lui fit prendre en pitié, soulager et guérir des maux qui n’étaient point un obstacle au salut, et qu’à la rigueur il aurait pu laisser subsister. Unis à la bonté infinie qui émanait de la divinité, les flots de cette bonté débordèrent un jour sur le monde comme un océan merveilleux, et le monde en avait besoin. Dans la ruine produite par le péché originel, la bonté, inhérente d’abord au cœur de l’homme, avait sombré comme le reste. Les quatre mille ans de paganisme avaient présenté un odieux spectacle : les hommes étaient devenus égoïstes ; la souffrance d’autrui n’attristait plus leur cœur.
Avec Jésus-Christ, la bonté de Dieu apparaît donc sur la terre (Tt III, 4), et, par amour pour le faible et le pauvre, elle descend au milieu d’eux, elle se fait visible et palpable ; ses mains ramassent le lépreux sur le bord de la route ; sa parole attire les petits enfants et son cœur les bénit ; elle délivre le pauvre des mains du puissant ; ce pauvre qui n’avait nul appui (Ps LXXI, 13).
Cette bonté admirable qui se montre à la terre s’étend à tous et à tout.
Jésus est compatissant pour les infirmités physiques. Les aveugles lui crient sur le bord du chemin : « Fils de David, ayez pitié de nous ! » et les aveugles voient. Les lépreux l’implorent de loin sans oser l’approcher, et Il les purifie.
Il est plein de pitié pour les douleurs morales. « Seigneur, lui dit l’officier dont le fils était malade à Capharnaüm, venez avant que mon fils meure ». « – Allez, lui dit Jésus, votre fils est guéri. » Plein de foi, cet homme s’en retourne ; et trouve en chemin ses serviteurs qui viennent à sa rencontre, lui annonçant la guérison de son fils. « A quelle heure, demande-t-il, la fièvre l’a-t-il quitté ? – Hier, vers la septième heure. » C’était l’heure où Jésus avait dit : « Votre fils est guéri. »
Il est bon pour ses apôtres. Avec une patience admirable, il supporte leurs défauts, les reprend doucement. Il met l’enseignement de sa sublime doctrine à la portée de leur faible intelligence et se sert de comparaisons familières pour les pénétrer de la divine sagesse.
Il condescend aux besoins matériels de ceux dont les âmes cependant l’occupent avant tout. « J’ai pitié de ce peuple, dit-il, voilà trois jours qu’il n’a pas mangé. » Et par deux fois il nourrit miraculeusement des foules de quatre et cinq mille hommes.
Il use de bonté et de condescendance avec les incrédules. Thomas demande à mettre le doigt dans ses plaies comme preuve de sa résurrection ; Jésus l’invite à le faire.
Il en use de même avec ceux qui sont encore esclaves du respect humain. Nicodème, un chef des Pharisiens, se sent pressé de voir Jésus, mais il n’ose se déclarer ouvertement pour lui. Notre Seigneur se prêtant à sa faiblesse consent à le recevoir le soir, en secret, et il s’entretient longtemps avec lui. Cependant, dira-t-on, Jésus condamne le respect humain : « Celui qui rougira de moi devant les hommes, je rougirai de lui devant mon Père qui est aux cieux. » Ce que Jésus condamne, le voici : c’est le mépris de la grâce et l’obstination dans l’erreur ; mais il veut nous apprendre que, pour ramener les âmes, il faut être bienveillant avec elles. Nicodème en effet ne se montra pas ingrat. Il prit la défense de Jésus quand les Pharisiens tinrent conseil pour le faire mourir, et nous le retrouvons avec Joseph d’Arimathie réclamant à Pilate le corps de Jésus-Christ, afin de lui donner les honneurs de la sépulture.
La terre n’avait jamais vu une douceur si grande, une bonté si condescendante, car la terre jusqu’alors n’avait pas vu l’amour. Aussi les foules entouraient Jésus sans craindre de l’importuner et les grandes routes étaient pleines de malades qu’on lui amenait. Tantôt on enlevait le toit de la maison où il se trouvait, pour descendre jusqu’à lui ; tantôt il n’avait d’autre ressource, pour n’être pas étouffé, que d’entrer dans la barque de Pierre et de s’éloigner un peu du rivage pour parler à la foule. Ah ! C’était bien là le Sauveur qu’annonçait Isaïe : il a pris sur lui nos infirmités et porté nos misères (Mt VIII, 17).
Mais Il a voulu aussi nous apprendre à porter celle de notre prochain. La bonté et la charité ont, depuis Notre Seigneur, relié les chrétiens entre eux, et elles devraient relier tous les hommes. « Je vous fais un commandement nouveau, a-t-il dit, c’est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn XV, 12). Qu’il soit donc notre modèle. Ouvrons à tous les trésors de notre cœur, réchauffons tous nos frères à la flamme de notre charité. Ne regardons pas le prochain avec des vues étroites ; ne jetons pas nos mesquines passions au travers de cette belle loi de la charité ; ne soyons pas petits ; notre Maître est si grand !
Sacré Cœur de Jésus, j’ai confiance en Vous !