Jésus a jeté son dernier cri aux échos de la terre : « Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains » (Lc XXII, 46) ; puis, sa tête est retombée sur sa poitrine, les membres ont frémi dans une suprême contraction, et, le cœur cessant de battre, le dernier soupir s’est échappé de ses lèvre divines.
Il nous a aimés, ce cœur, Il nous a aimés jusqu’à la fin. Où est la délicatesse d’amour qu’Il n’a pas eue, la preuve de tendresse qu’Il n’a pas donnée ? Où est, dans cette foule, saisie maintenant par les secousses du globe et l’horreur des ténèbres, où est celui qui peut dire qu’il a invoqué ce cœur et n’a pas été exaucé, qu’il lui a avoué ses fautes et n’a pas été pardonné ? Nul ne le peut, et cependant Jésus veut nous donner un dernier et éternel témoignage de cet amour qui n’a pas de réserve. Ne pouvant plus nous serrer dans ses bras, car ses bras sont cloués, Il va nous ouvrir son cœur, coupe exquise de son amour. Longin s’approche ; perçant de sa lance le côté de Jésus, il pénètre jusqu’au Cœur, qui est aussi percé, et le fer, en se retirant, laisse jaillir un peu de sang et d’eau. Par cette ouverture de côté, son Cœur est exposé à la vénération du monde.
« Les soldats vinrent, dit saint Jean Chrysostome, ils rompirent les jambes des deux voleurs et non de Jésus-Christ, mais pour faire plaisir aux Juifs, ils lui ouvrirent le côté d’un coup de lance, et ainsi insultent-ils encore Jésus-Christ, même après sa mort. Impie et détestable cruauté ! Mais, mes très chers frères, n’en prenez aucun trouble : ce qu’ils firent avec une volonté dépravée devait servir de preuve aux vérités saintes ; ils accomplissaient la prophétie qui dit : ils verront Celui qu’ils ont percé.
« Ce n’est pas assez ; cette plaie du côté de Jésus devait être une des preuves sensibles qui convainquirent saint Thomas ; elle devait servir aussi à persuader et à confondre d’autres incrédules. Mais surtout par là fut consommé un de nos plus beaux mystères. De cette plaie, en effet, sortirent du sang et de l’eau. Ne croyons pas que ce soit sans raison et par hasard que ces deux sources divines jaillirent du côté de Jésus ; c’est dans ces deux sources que l’Eglise a pris naissance ».
Sainte Catherine de Sienne demandant à Dieu, dans ses communications intimes, pourquoi Notre Seigneur avait permis cette suprême et inutile blessure, Dieu lui répondit : « Le désir de sauver le genre humain étant infini en mon Fils, et son corps ne pouvant supporter la douleur et les tourments que dans une mesure bornée, il a permis cela pour vous montrer le secret de son cœur, pour vous faire comprendre qu’Il vous aimait plus encore que sa mort ne pouvait le montrer. »
Si nous nous demandons aussi pourquoi ce côté est entr’ouvert, nous en méditerons donc d’abord cette première raison. On peut dire encore que Dieu l’a permis pour signifier les trésors de sa grâce divine qu’Il allait répandre sur nous, comme nous le verrons dans les sacrements ; pour nous faciliter cette pratique de piété si douce d’entrer à tous moments dans son Cœur, d’y chercher un refuge dans la tentation, une consolation dans la tristesse, un secours dans l’adversité, l’avant-goût de l’amour éternel.
Enfin, cette blessure nous apprend à demander que nos cœurs soient percés par la lance de la charité, qui fait couler dans nos âmes les larmes de la pénitence et de l’amour de Dieu. C’est sur la Croix que Jésus ouvre et montre son cœur ; cela est juste, car c’est son amour qui L’a amené là ; mais c’est donc par la Croix qu’on arrive à l’amour, et par l’amour de Dieu qu’on arrive à l’amour de la Croix.
« Mon tout aimable Jésus, disait sainte Gertrude, je vous supplie, par votre Cœur transpercé d’une lance, daignez percer le cœur de Gertrude des traits de votre amour. »
Voici donc que par cette plaie béante nous sommes entrés désormais dans le sanctuaire de l’amour. Je l’ouvre ; je regarde, Seigneur, il n’y a plus rien ; il s’est tout vidé de son sang ; l’amour est maintenant répandu sur les hommes. Je le vois donc, ce cœur qui nous a tant aimés, et je puis y cacher le mien.
Thomas plongea sa main dans la blessure profonde, parce qu’il cherchait la foi ; nous y mettrons nos cœurs, car nous voulons la charité. « Voici le lieu de ta demeure », avait dit Notre Seigneur à sainte Marguerite-Marie. Restons-y donc toute notre vie, et à l’heure de la mort, nous nous écrierons, comme le Père de Ravignan : « L’ouverture du Cœur de Jésus, quelle porte pour entrer au ciel ! »
Sacré Cœur de Jésus, j’ai confiance en Vous !
Source: « Mois du Sacré Cœur de Jésus »